
Que pensez-vous des mesures annoncées par l'exécutif en réponse aux « gilets jaunes » ?
Que la réponse du gouvernement à la crise n'est pas la bonne. Dans le public comme le privé, les mesures annoncées vont-elles mettre fin à la modération salariale ? Bien sûr que non ! Qui va toucher la fameuse prime exceptionnelle ? Les salariés des entreprises où il y a le moins de problèmes salariaux. Est-ce qu'on va la verser dans les EHPAD ? Bien sûr que non ! Et je ne parle pas des fonctionnaires qui n'auront rien. Chez eux, avec le gel de la valeur du point, le déclassement salarial est général.
Le gouvernement lance aussi un grand débat...
Je ne crois pas qu'il en sortira des solutions. Le gouvernement met en exergue son choix d'engager les discussions dans les territoires. Mais le problème des « gilets jaunes » n'est pas un problème de diversité territoriale : il s'est exprimé avec une même force partout. Et puis le logement, par exemple, n'est pas au programme. Ce débat est une stratégie d'évitement. Si j'étais un peu disruptif, je rappellerais l'après-guerre où ont été prises des mesures salariales modifiant la répartition de la valeur ajoutée. Cette question est centrale, ne pas l'aborder est la meilleure garantie de rien régler.
L'exécutif a-t-il, selon vous, les moyens de continuer ses réformes ?
La réforme la plus attendue en 2019 est celle des retraites. Bien malin est celui qui sait ce que va faire Emmanuel Macron en la matière. Pour ma part, je pense que c'est une réforme inutile dont on pourrait parfaitement se passer.
Croyez-vous à un accord sur l'assurance-chômage ?
La probabilité est la même qu'en septembre, faible. Mais la nécessité d'y parvenir, elle, a augmenté parce que le mouvement des gilets jaunes a remis en question la capacité des partenaires sociaux à apporter un résultat utile pour la société. Ce serait donc un comble que nous n'arrivions pas à un accord. Compte tenu du contexte, le gouvernement dispose de peu de marges de manoeuvres pour l'invalider, comme il l'a fait sur la formation. Cela nous donne un peu plus de liberté, donc un peu plus de responsabilités.
Allez-vous ignorer l'exigence posée par le gouvernement de réaliser un milliard d'économies par an ?
Les dépenses de l'Unédic représentent 35 milliards par an. On peut les réduire sans économiser sur les droits des chômeurs en travaillant sur le budget de Pôle emploi et sur les moyens des agents pour aider les chômeurs à retrouver plus vite du travail. Par ailleurs, ce qui coûte le plus cher à l'Unédic, hors Pôle emploi, c'est l'abus par certains employeurs et certains salariés, dans certains secteurs, des dispositifs de recharge des droits : 4 à 8 milliards par an. C'est là qu'il faut taper.
Comment réguler ces abus ? Le patronat veut des négociations de branche.
Si la négociation échoue, le gouvernement imposera un bonus-malus. Il n'y a pas d'autre solution que systémique, il faut alourdir le coût des contrats courts pour que le bénéfice économique tiré de la précarité disparaisse. Le patronat défend les accords de branches , pourquoi pas, cela éviterait d'imposer des règles indifférenciées.
La négociation sur l'encadrement est au point mort. Vous n'avez pas l'impression de vous être fait avoir en signant l'accord sur les retraites complémentaires ?
Ce sont les entreprises qui se font avoir. Il est indispensable de retravailler cette notion. Le dernier accord sur le sujet date de 1983. Depuis, le monde du travail a profondément changé. Le Medef n'a rien compris. Geoffroy Roux de Bézieux est entouré de gens qui, par principe, ne veulent plus négocier quoi que ce soit. Il dit qu'il ne sait pas ce qu'est un cadre. Je suis prêt à lui expliquer.